Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 20 juillet 2022
Petite enfance

Pénurie d'animateurs dans les centres d'accueil et colonies de vacances : les collectivités en difficulté

Cet été, les centres d'accueil et les colonies de vacances doivent faire face à un défi : les difficultés de recrutement d'animateurs. Certaines communes n'ont pas pu ouvrir leurs accueils d'été et des séjours ont été annulés.

Par Lucile Bonnin

Les vacances ne vont pas être de tout repos dans certains territoires. En cause : la carence d’animateurs qui oblige les organisateurs des centres d’accueil et des colonies à réduire le nombre de places disponibles et même – dans certains cas – à fermer complètement. 

Ce problème, les maires l’ont vu venir depuis plusieurs mois. « Ce n’est pas un constat d’urgence ou de dernière minute » , explique Delphine Labails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l'Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). Interrogée par Maire info, elle indique que ces difficultés de recrutement existent depuis le mois de septembre dernier et que le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports a été informé du problème. 

« Des mesures ont été prises par le gouvernement mais elles n’ont pas complètement porté leurs fruits » , constate la maire. Selon un rapport du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), la crise sanitaire a eu « un impact terrible pour les colonies de vacances, qui ont connu une chute historique avec une baisse de plus de 50 % du nombre de séjours, passant de 54 840 en 2018-2019 à 24 351 en 2020. » L’étude témoigne aussi d’une baisse structurelle du nombre d’enfants et de jeunes accueillis. Trouver du personnel qualifié est aujourd’hui un vrai casse-tête, ce qui explique en partie l’essoufflement de ces activités estivales. 

Retard de formation et précarité du métier 

L’ouragan covid-19 a chamboulé de nombreux secteurs son passage. Celui de l'animation n'a pas été épargné. « La formation des animateurs a été interrompue par la crise sanitaire. Il y a eu notamment beaucoup moins d’animateurs formés au Bafa » , remarque Delphine Labails. 

L’obtention du Bafa se fait en trois temps. « Il y a d’abord une formation générale de 9 jours, puis un stage pratique de 14 jours dans une structure d’accueil, et un stage d’approfondissement de 6 jours, indique la maire. Bon an, mal an, entre les différents confinements, des jeunes ont été formés, mais pas complètement ! Certains jeunes ont fait les 3 étapes mais n’ont pas encore pu passer devant un jury par exemple. » 

Or, pour qu’une "colo" ou un accueil puisse fonctionner, il faut au moins 50 % d’animateurs titulaires du brevet ou d’un diplôme, titre ou certification figurant dans un arrêté du 9 février 2007. Si des demandes de dérogation sont possibles pour faire travailler davantage d’animateurs sans diplômes, les capacités d’accueil sont tout de même véritablement impactées. Tout est ralenti, revu à la baisse, et certaines communes ne peuvent parfois pas du tout proposer aux familles un accueil sur leur territoire. 

La crise sanitaire a aussi donné un coup de projecteur sur la difficulté du métier, comme elle l'a fait avec les métiers du secteur de la restauration ou de l’hôtellerie par exemple. « Ce sont des métiers difficiles avec des horaires atypiques et donc une partie du personnel est allée vers d’autres secteurs » , observe la maire. 

Sans compter que le salaire est souvent peu attractif et le métier peu valorisé. Certaines municipalités, comme celle de Tollevast (Manche), ont décidé de revaloriser l’indemnité des animateurs face à ces trop grandes difficultés de recrutement. Mais c’est une mesure qui pèse sur le budget des communes et qui ne peut pas résoudre de manière durable ce problème de carence en animateurs qui est grandissant. 

Le système D dans les communes 

La coprésidente de la commission éducation de l'AMF constate bel et bien que certaines communes n’ont pas pu ouvrir leurs accueils d’été, « dans le pire des cas. »  D’autres ont été forcées de trouver des solutions « intermédiaires »  avec par exemple une fermeture un jour dans la semaine. D’autres communes ont fait des regroupements entre voisines, « l’une organise un accueil en juillet et l’autre en août. » 

Mais ce ne sont que « des solutions de débrouille » , remarque la maire qui est catégorique sur le fait que les communes ne sont « clairement pas en capacité d’ouvrir la totalité des places proposées les années précédentes. » 

Les élus qui font face à cette difficulté peuvent d’abord « consulter les communes voisines pour voir si elles peuvent accueillir les enfants sur leurs territoires. »  Mais se pose alors le problème des transports, notamment dans les territoires ruraux ou de montagne. Les familles ne sont pas toujours en capacité d’emmener les enfants dans des structures éloignées de leurs domiciles et les municipalités ne sont pas forcément en mesure de prévoir un moyen de transport pour ces enfants. 

Certaines communes ont décidé aussi d’ouvrir des garderies à la place des accueils de loisirs. Ainsi, c’est le personnel municipal qui est chargé de l’accueil. Problème : « Lorsqu’on ouvre une garderie, cela veut dire que la totalité du financement de l’accueil repose sur la collectivité et les familles puisque les aides de la Caf ne peuvent pas être perçues. Les communes ne peuvent pas percevoir la prestation de service et les familles ne peuvent pas bénéficier des bons de vacances. » 

Les « Assises de l'animation » 

« Dès le mois de septembre de l’année dernière, l’AMF a saisi le ministère concernant ces difficultés et des Assises de l’animation ont été mises en place » , rappelle Delphine Labails. Ces assises, lancées par Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargé de la jeunesse et de l’engagement, le 24 novembre 2021 et conclues le 22 février 2022, ont permis d’établir un plan de 25 mesures pour notamment « améliorer les conditions d'exercice de l'animation »  (lire Maire info du 25 février). 

Mais beaucoup reste à faire. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a d’ores et déjà été sollicité par l’AMF afin que « les travaux reprennent d’urgence »  sur ces difficultés de recrutement pour les collectivités et associations. La secrétaire d’État ayant été reconduite dans ses fonctions, la mise en œuvre du plan devrait se poursuivre prochainement, notamment par la création d’un comité de filière de l’animation auquel sera associée l’AMF.

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